La population de Bankoumani dans la province de la Kossi, région de la Boucle du Mouhoun, a achevé la construction d’un nouveau pont dans leur village. Deuxième du genre, la réalisation de l’ouvrage a pour but de parer à l’enclavement du village en saison pluvieuse. La clôture des travaux est intervenue par la mise de terre sur ledit pont le lundi 15 juin 2020.
« L’eau, c’est la vie », dit-on. C’est sans doute fort de ce constat qu’un peuple s’est installé sur un territoire entouré par une rivière. Baptisé Bankoumani par ses premiers occupants, ce village est quasiment comparable à une île au point qu’il est surnommé « l’île de Bangkok » par les fonctionnaires notamment les enseignants et les infirmiers qui y ont servi. Dénommée « Tintimba », la rivière qui l’entoure est un puissant affluent du fleuve Mouhoun pouvant atteindre trois à six mètres de profondeur. Pendant l’hivernage, Bankoumani est complètement coupé des autres villages. En aucun endroit, on ne peut y accéder sans emprunter la voie des eaux. Ainsi, à chaque saison pluvieuse, les habitants se procurent d’une pirogue pour rendre possible leur déplacement externe, car même leurs champs sont au-delà de la rivière. Certains agents de la fonction publique qu’on affecte dans ce village se sentent dans une situation de punition et cherchent par tous les moyens à quitter. « Le manque de voie est une situation très difficile pour les habitants. Moi je pleure surtout le sort des élèves du village qui doivent se rendre au collège à Dara, derrière le fleuve. Il est fréquent qu’ils arrivent en retard car c’est souvent une foule immense qui attend la pirogue les matins pour traverser. Certains préfèrent même nager avec tous les risques possibles », nous apprend Issa Fofana, instituteur à l’école primaire de Bankoumani.
Les difficultés dues à l’accès à Bankoumani ne sont pourtant qu’un échantillon du calvaire que vit la population. Le débordement des eaux de la rivière provoque fréquemment l’inondation des champs selon les témoignages de Bignin Konaté, natif du village. « Il y a des années où nous ne récoltons presque rien. L’année surpassée par exemple, les eaux ont occasionné beaucoup de dégâts et entrainé une saison presque blanche », explique-t-il. S’en suit le plus souvent l’exode rural et même le déplacement définitif de certaines familles. En plus de ces dommages agricoles, il y a aussi les cas de noyades dans la rivière. Généralement, ce sont les enfants qui s’y noient pendant les parties de baignade. Le hic est que les parents n’ont pas le droit d’interdire leurs enfants d’aller se baigner dans la rivière. A en croire les témoignages, dès qu’on empêche un enfant de quelque façon que ce soit, cet enfant s’y rend et s’y noie. En juillet 2019, un homme de la quarantaine d’années a trouvé la mort dans les eaux alors qu’il traversait le fleuve à bord d’une pirogue.
Mais en dépit de toutes ces difficultés, il fait bon vivre à Bankoumani. Lorsque les eaux de la rivière de débordent pas, les récoltes sont extrêmement bonnes. L’élevage et la pêche traditionnelle y réussissent bien. Le village s’est logiquement agrandi et compte parmi les villages les plus peuplés de la commune. « L’île » s’est ainsi saturée, obligeant une partie de ses occupants à s’installer à l’extérieur. De village entouré par les eaux, Bankoumani est devenu alors un village divisé en deux parties par les eaux. Pour garantir la communication entre ces deux parties du village, les habitants ont bâti un pont artisanal en 1996. Long à peu près d’une trentaine de mètres, ce pont est réhabilité par la population chaque année à la fin de l’hivernage. Cependant, le souci des habitants de Bankoumani est loin d’être réglé. Il reste en effet l’accès même au village pendant l’hivernage, le seul moyen étant l’usage d’une pirogue.
Les mobilisations populaires autour des constructions de route sont de nos jours une pratique à la mode dans la Kossi. Les habitants de plusieurs villages dont Sikoro, Kakin, Tènou et aussi de certains quartiers de Nouna ont compris « qu’avant de demander qu’on te lave le dos, il faut d’abord se laver le ventre ». C’est pourquoi, sans attendre l’intervention des autorités, ils ont fait ce qu’ils peuvent pour arranger les voies qui passent dans leur village. Cette pratique est d’ailleurs une habitude pour ceux de Bankoumani qui réhabilitent chaque année le pont qui sépare leur village en deux. Mais cette fois, il s’est agi pour eux d’ériger, avec « les moyens de bord » un autre pont à l’entrée du village.
Invité à cet effet, après une heure de course, nous découvrons le village ce 15 juin 2020. A l’approche à 500 mètres environs, c’est le son du tambour qui se fait entendre et qui sonne comme des mots de bienvenue à notre égard. La traversée du fleuve visiblement assoiffé d’eau (le fleuve tarit en saison sèche) nous a fait aisément comprendre la nécessité de la construction d’un pont, d’où la grande mobilisation des populations.
Les travaux de réalisation de l’ouvrage ont débuté en mars dernier. Les matériaux de l’infrastructure artisanale sont constitués de bois, de terre et de cailloux sauvages. Les populations ont d’abord construit deux terrasses en terre battue aux deux bords du fleuve.
Elles ont ensuite planté des poutres reliant les deux terrasses et superposés des troncs d’arbres. Les travaux de finition qui ont eu lieu ce 15 juin ont consisté à mettre la terre sur l’ouvrage. Le pont est long d’environ 100 mètres sur 2 mètres de large. Tout le village était mobilisé pour mener à bien ces activités qui ont duré environ 3 mois. Le dénouement des travaux a donné lieu à une grande fête sur le chantier où les femmes ont dansé pour manifesté leur joie.
Si les habitants de Bankoumani sont fiers de ce qu’ils viennent de réaliser, une inquiétude demeure : Pendant combien de temps le pont va-t-il tenir ? De toutes les façons, il s’impose la construction d’un pont moderne pour le grand bonheur des populations de Bankoumani et de toute la province quand on sait que les villages sont intimement liés par des relations commerciales et aussi de parenté. « Nous sollicitons de tout cœur la réalisation d’un ouvrage moderne et durable de toutes les bonnes volontés », a d’ailleurs lancé Yaya Zobon, représentant du chef du village de Bankoumani.
Issa Lazare Kolga
Une réponse
Un reportage de bonne facture. Félicitations et courage à vous !