jeudi 5 décembre, 2024 | 2:22

Burkina Faso : <>, Interview avec l’écrivain professionnel Adama Siguiré

1673597604546_1

L’homme n’a pas sa langue dans sa poche. Dans les livres comme sur Facebook, il dit ce qu’il pense sans regarder les yeux de quelqu’un comme dirait l’autre. Adama Siguiré, nous a accordé une interview. Son parcours scolaire et universitaire, sa courte et marquante carrière d’instituteur, la transformation en écrivain et consultant professionnel, tels sont quelques sujets évoqués. Il nous a également fait part de sa lecture de l’échec des Présidents Roch Marc Christian Kaboré et Paul Henri Sandogo Damiba dans la résolution de la crise sécuritaire que traverse le Burkina Faso. La gestion du Président Ibrahim Traoré et les questions de la jeunesse ont également été abordées. Lisez plutôt !

Présentez-vous

Je m’appelle Adama Amadé SIGUIRE. Je suis né dans le village de Silga dans la province du Yatenga à une quinzaine de kilomètres de la ville de Ouahigouya. J’ai fait l’école primaire dans mon village. Après l’obtention du CEP, l’Etat m’a affecté au collège d’enseignement général de Thiou, une commune rurale non loin de la frontière avec le Mali. Mais, j’ai rejoint le lycée Yadéga de Ouahigouya pour faire la classe de quatrième et j’ai obtenu le BEPC à Bobo Dioulasso. C’est la fin de mes études. Je suis rentré à l’école nationale des enseignants du primaire de Gaoua pour sortir Instituteur adjoint certifié en juillet 2004. Mais, j’ai obtenu après mon baccalauréat en lettres et philosophie et j’ai étudié au département de lettres modernes, au département de philosophie avant de m’inscrire pour un master professionnel en sociologie de développement à l’université Joseph KI ZERBO. Je n’ai pas fait un cursus normal comme les autres. Et je compte poursuivre un jour si mon temps me le permet. J’ai fait toutes mes études supérieures en étant travailleur. Quand j’obtenais mon baccalauréat en 2008, j’étais déjà un instituteur dans la province du Passoré. Cela ne m’a pas permis d’aller comme je le voulais. C’est assez difficile.

Parlez-nous de votre carrière d’Instituteur et de vos souvenirs du métier.

Je suis rentré à l’Ecole Nationale des Enseignants du Primaire de Gaoua en novembre 2003 pour sortir en juillet 2004. Cela pouvait être une autre école de formation. J’ai fait trois ou quatre concours et je cherchais du travail avec mon brevet d’études. Je n’ai pas choisi l’enseignement. C’est un fait du hasard. J’ai pris ce que j’ai eu. C’est tout. Instituteur adjoint certifié, j’ai servi à l’école primaire de Lantaga dans la province du Passoré et précisément dans la commune rurale de Pilimpikou de février 2005 à septembre 2010. J’ai quitté mon poste en octobre 2010 pour une autre aventure. J’ai servi dans un seul village et dans une seule école pendant mes cinq années. J’avais de bonnes relations avec les parents d’élèves et j’aimais mes élèves. En fait, je n’ai pas choisi l’enseignement, mais j’aimais ce métier. Et je garde de bons souvenirs avec mes élèves. Je me souviens surtout de ce fait. Quand j’ai eu mon premier fils, j’ai dit à mes élèves que mon épouse avait accouché d’un garçon. Ils étaient très contents parce qu’ils la connaissaient. Alors, ils ont fait une cotisation. Ils ont acheté du savon et des habits et ils sont venus me les remettre. Cet acte m’a marqué. Et j’ai passé toutes mes cinq années avec les mêmes élèves. Je les ai tenus du CP2 au CM2. Aujourd’hui, ils sont nombreux qui restent en contact avec moi. Ils sont très contents. J’avoue que j’ai aimé ces élèves et ils m’ont aimé.

D’instituteur à écrivain et consultant professionnel, comment s’est passé le processus et pourquoi ?

C’est tout un parcours. Ce sont des sacrifices. C’est un long chemin. Mais, cela ne relève pas du miracle. C’est simplement des ambitions juvéniles qui se réalisent. A vrai dire, je pensais que tout cela allait se limiter au rêve. Mais, c’est devenu une réalité. Sinon, j’ai affiché ma volonté de devenir écrivain quand j’étais en classe de troisième, avant même l’obtention de mon brevet. Je lisais beaucoup parce que j’avais eu la chance d’avoir un enseignant dans mon village qui m’avait initié à la lecture. Quand je suis devenu enseignant, c’était la détermination. Je ne voulais rien faire d’autre si ce n’est qu’acheter des livres, les lire et me former. C’était comme une folie. Certains de mes collègues ne me comprenaient pas. Je fuyais les gens. Je ne durais pas dans les rencontres entre jeunes instituteurs. Je n’ai pas un goût prononcé pour les choses matérielles. C’est bizarre, mais je suis ainsi. J’ai quitté mon métier d’instituteur avec beaucoup de regret. Je le dis toujours. Ce n’était vraiment pas un choix. Je voulais enseigner et écrire à la fois. Mais, je crois que j’étais trop sûr de moi-même. Je refusais de faire pitié, et mes supérieurs hiérarchiques ne me supportaient pas. Pour cela, je n’ai pas trouvé quelqu’un pour m’aider. Tous les inspecteurs que j’ai eus ont refusé de me soutenir dans ma volonté d’être enseignant et écrivain. C’est cette attitude que je trouve méchante qui m’a poussé à partir. C’est un jugement. Je suis donc devenu professeur vacataire de français en 2011 à Bobo Dioulasso avec mon DEUG en lettres modernes. Et j’ai lancé ma carrière d’écrivain professionnel en février 2012 dans la même ville. Je me suis formé. J’ai beaucoup lu. Et je voulais aller étape par étape. C’est tout un rêve qui se réalise. Ce sont des sacrifices consentis pour y arriver. Je suis devenu écrivain professionnel parce que n’étant plus fonctionnaire, il fallait que j’en fasse ma profession. Et c’était aussi pour moi une passion. J’ai choisi le métier d’écrivain, mais je n’ai pas choisi l’enseignement, même si je l’aimais et je l’aime toujours. Aujourd’hui, je n’enseigne plus le français, j’enseigne la philosophie au lycée. J’aime la philosophie et je l’ai étudiée par passion à l’université. C’est juste un plaisir. Je ne prends pas plus de deux classes.

En plus des livres que vous produisez, vous partagez vos avis sur Facebook sans regarder le visage de quelqu’un. Parlez nous des avantages et des difficultés que vous rencontrez dans cette aventure.

Ma page facebook se veut professionnelle. En fait, je veux tout faire avec professionnalisme et une grande conscience. Mes publications sont comme le prolongement de mes livres. Il y a des gens qui apprécient. Il y a des gens qui n’apprécient pas. Je me fais des amis. Je me fais aussi des ennemis. Pour moi, c’est la nature même du métier d’écrivain. Cela montre que je réalise mon rêve, que je suis un écrivain confirmé, un écrivain professionnel. Je n’aime pas l’amateurisme. Quand vous décidez de faire une chose, il faut la faire avec professionnalisme et beaucoup de responsabilité. Autrement, vous laissez tomber si vous trouvez que c’est un domaine dans lequel vous ne pouvez pas faire preuve de professionnalisme. C’est pourquoi je signe désormais tous mes écrits. C’est pour dire que je ne suis pas un amateur, un aventurier. Quand je publie, je fais mon travail. C’est vrai que financièrement, cela ne m’apporte rien car ce n’est pas de l’activisme qui nourrit son homme comme le font certains. Il y a même des gens qui prennent leur distance avec moi. Les avantages, c’est le fait que je me fais connaitre. Mes écrits me permettent de rentrer en contact avec des gens de l’extérieur. Mes écrits affirment ma personnalité. Je ne suis pas un parvenu. Les gens qui me lisent savent que j’ai beaucoup appris. Je me suis formé. Il y a des gens qui ne m’aiment pas, mais ils sont obligés de me respecter parce que je n’écris pas au hasard. Je n’écris pas pour faire plaisir à un groupe ou à un groupuscule. Je fais du professionnalisme. Il y a aussi des inconvénients. Les hommes politiques n’ont pas besoin de moi. Au temps du MPP, on m’a refusé des conférences parce que je suis très critique. Mes écrits m’éloignent de certaines personnes. Même les hommes d’affaires ne veulent pas collaborer avec un homme comme moi qui critique le pouvoir politique. Pour être honnête, mes écrits sur facebook ne m’apportent rien financièrement. Je peux même dire qu’ils me rendent pauvre. Les gens prennent leur distance avec moi parce qu’ils ne veulent pas soutenir un homme qui n’a pas de parti pris, qui se veut rationnel, qui refuse d’être un laudateur. J’ai trop souffert au temps du régime KABORE.

Comment expliquez-vous l’échec des présidents Roch et Damiba dans la résolution de la crise sécuritaire ?

L’échec du Président Roch KABORE comme celui de DAMIBA viennent d’une même chose difficile à saisir par de nombreuses personnes. Ces deux hommes n’ont aucun potentiel pour être des leaders managers. En clair, Roch n’a pas une personnalité pour réussir à la tête d’un Etat. Il a eu de la chance. Il vient d’une famille riche. Mais, tout cela ne fait pas la personnalité du leader manager que j’enseigne en relations humaines lors de mes formations. Roch ne devait même pas être un président. Dans les grandes Nations, il est difficile qu’un homme comme Roch KABORE puisse accéder à la présidence. Il n’a pas de qualités humaines nécessaires pour réussir cette haute mission. DAMIBA est un véritable accident de l’histoire. Sur le plan de la personnalité, il est plus médiocre que Roch KABORE. La personnalité de DAMIBA ne dépasse pas 3/10 alors que Roch peut avoir 5/10 voire 6/10. En clair, la corruption a fait de Roch KABORE un président et il ne pouvait qu’échouer, et le hasard a fait de DAMIBA un président, mais il n’avait aucun leadership qui pouvait lui permettre de réussir là où le hasard l’avait placé.

Que pensez-vous de la gestion du Président Traoré ? Identifiez quelques priorités auxquelles il doit se consacrer

La gestion du Président Capitaine Ibrahim TRAORE, je la trouve satisfaisante, même si l’on pourrait l’améliorer. C’est loin d’être parfait. Mais, le Capitaine TRAORE affiche trois qualités que doit avoir un leader : le sens du sacrifice, l’engagement et la détermination. En clair, il a la volonté de servir et il se montre désintéressé. Je ne peux que soutenir cet homme. Pourquoi ? Je me demande si j’ai ces qualités. Le Capitaine TRAORE mérite mon admiration et mon soutien par devoir et par esprit de reconnaissance et de patriotisme. Il y a certainement des priorités. Et la première priorité, c’est la paix. C’est pourquoi le président et ses hommes doivent faire la guerre pour reconquérir l’intégrité du territoire. C’est une urgence. Mais, il y a aussi la lutte contre la corruption. L’administration publique burkinabè est gangrénée par un mal et c’est la corruption. Ce sont des milliards que l’Etat perd et ce sont des travailleurs de l’Etat qui utilisent cet argent pou se donner des plaisirs souvent futiles. C’est aussi la cause principale du terrorisme. La troisième priorité, c’est le devoir de redevabilité. Dans l’administration publique, les gens font souvent ce qu’ils veulent. Tout le monde est chef. L’absentéisme est chronique et beaucoup de travailleurs ne rendent compte à personne. Le capitaine doit instaurer ce devoir de redevabilité pour améliorer l’administration publique. Il y a une autre priorité qui est la lutte contre le chômage des jeunes. Une jeunesse qui chôme est exposée à tous les maux. Il faut des initiatives pour donner de l’emploi aux jeunes. C’est important. Et pour terminer, il y a la reforme du système éducatif. C’est un vaste projet. Mais, notre système éducatif doit être orienté autrement. Je suis enseignant. Je ne suis pas satisfait de nos programmes d’enseignement et même de la pédagogie utilisée. Il faut tout revoir. Il faut même former autrement les enseignants.

Parlant de la jeunesse, il est de plus en plus question d’entrepreneuriat. Quels sont vos conseils à l’endroit des jeunes ?

Oui, l’entrepreneuriat est une nécessité. L’école ne peut pas donner du travail à tout le monde. On ne peut pas continuer à mentir aux jeunes. Mais l’entrepreneuriat nécessite une formation. Quand on a une licence en lettres modernes, en histoire, en philosophie, on devient entrepreneur comment ? Avec quelles idées ? Il faut former les jeunes gens. Il faut les outiller avec le nécessaire pour qu’ils entreprennent. C’est important. Sinon, l’entrepreneuriat reste la solution à la lutte contre le chômage et même contre le terrorisme. Mais, rien ne saurait réussir sans une formation de qualité de nos jours.

Votre mot de la fin !

Je vous remercie pour m’avoir donné la parole. Je vous souhaite une merveilleuse année 2023. Puisse Dieu vous accompagner tout au long de cette année 2023.

Issa Mada Dama
Timbanews.net

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Une réponse

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

mercredi 4 décembre, 2024 à 9:22
mercredi 4 décembre, 2024 à 9:19
mardi 3 décembre, 2024 à 10:41
lundi 2 décembre, 2024 à 19:09
lundi 2 décembre, 2024 à 19:09
Le classement de FasoFoot après 12 journées
lundi 2 décembre, 2024 à 16:47
lundi 2 décembre, 2024 à 16:47
Nouna : Akache multiservices ouvre ses portes