L’Etat burkinabé dans sa politique de gestion démographique encourage fortement les populations à pratiquer les méthodes de planification familiale. Dans la Kossi, la pratique est toujours en dessous des attentes. Les raisons se situent entre l’ignorance et la réticence. Lisez plutôt.
La planification familiale est l’ensemble des mesures mises en œuvre en vue de contrôler, espacer et limiter les naissances. Ses composantes sont entre autres l’éducation en matière de population et à la vie familiale, la lutte contre l’infécondité et la contraception. Ses avantages sont multiples. Pour la femme la planification familiale permet d’éviter les grossesses précoces, non désirées, trop tardives, trop rapprochées et trop nombreuses. C’est aussi une solution dans la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles, de l’infécondité et contre les avortements provoqués. Elle permet à la femme d’être économiquement productive pour l’intérêt de sa famille ainsi que du pays, vu que le Burkina a une population majoritairement composée de jeunes et de femmes. Pour l’enfant, la planification familiale permet de bénéficier au maximum du lait maternel, être bien soigné et bien entretenu, avoir une bonne éducation et un avenir bien préparé par ses parents. Elle permet à la société et au pays de faire face aux problèmes d’échecs scolaires, de chômage, de délinquance, de mortalité maternelle et infantile et de maîtriser l’évolution de la population pour mieux planifier les actions de développement. Selon le Docteur Kouka Yelkouni, Médecin chef du district sanitaire de Nouna, « la planification familiale est un réel tremplin pour le développement, car il est nécessaire pour un pays que l’évolution démographique soit en équilibre vis-à-vis des ressources disponibles pour atteindre l’émergence globale».
Dans la province de la Kossi, les populations n’ont toujours pas totalement adopté la pratique de la planification familiale. Les raisons divergent d’une personne à l’autre. En effet, certaines familles, minimes soient-elles de nos jours, n’ont toujours pas connaissance de la pratique et d’autres ignorent ses bienfaits. Pour ces cas-ci, l’on peut espérer résoudre assez facilement, surtout avec les efforts de vulgarisation faits par le Ministère de la santé en matière de promotion de la planification. Cependant, une tranche assez considérable des Kossilais manifestent une réticence vis-à-vis de la pratique. Les croyances religieuses se révèlent être le plus grand obstacle. « L’enfant, c’est Dieu qui le donne ». Tel est le fameux prétexte que l’on entend fréquemment lorsqu’on aborde la question dans la Kossi. Pour ceux qui tiennent ce langage, la contraception est un crime tout comme l’avortement, puisqu’on la pratique pour « bloquer un enfant que Dieu aurait prévu de créer ». La régulation des naissances serait pourtant tolérable par la religion musulmane comme celle chrétienne si elle requiert le consentement des deux époux ou encore si elle est pratiquée pour soulager l’un ou les deux, même si ce sont les méthodes naturelles qui sont préconisées.
Nous avons rencontré Zibiri Dieudonné dans un village situé à une vingtaine de kilomètre de Nouna, lors d’une sortie pour des fins de reportage. « Je suis le père de tous ces enfants que vous voyez », nous lance fièrement le trentenaire et père de quatorze enfants, ayant certainement lu la curiosité sur notre visage. Le petit moment passé dans son domicile, nous a permis de découvrir que sa première femme venait juste d’accoucher de nouveau, la deuxième portait une grossesse et le tout dernier enfant de la troisième marchait à peine. Alors, nous l’interpellons à propos de la planification familiale. « Je n’ai ni besoin d’espacer ni de limiter la naissance de mes enfants. Je ferai autant de gosses que Dieu m’en aura donné », dit-il. Zibiri Dieudonné reconnaît portant devoir mettre les bouchées doubles pour subvenir aux besoins alimentaires et sanitaires de sa famille. Mais à l’écouter, cela ne lui porte aucun préjudice, tant qu’il possède son vaste terrain de culture et sa familiarité avec la nature d’où il extrait certains médicaments.
De plus, il y a des personnes qui sont réfractaires à la modernité. La planification familiale est considérée par ces derniers comme « un truc de Blanc » et réservée aux fonctionnaires qui d’ailleurs ont perdu plusieurs valeurs africaines, selon eux. Le hic est que plusieurs fonctionnaires n’apprécient pas aussi la pratique. Pour l’anecdote, nous nous sommes rendus dans un établissement secondaire de la province, juste après le passage des agents de santé dans ledit établissement pour des fins de sensibilisations des élèves concernant la planification familiale. Un professeur, réticent à la pratique, a entamé une sorte de « contre-information ». Ses raisons ? La vulgarisation de la contraception surtout dans les écoles, est une incitation à la perversion sexuelle de la jeunesse. « Je sais que des filles vont adopter l’une de leurs fameuses méthodes et alors se livrer au vagabondage sexuel, avec à l’esprit qu’elles sont épargnée des grossesses », a-t-il dit aux élèves. Il les invitait par contre à « fermer les cuisses », pour emprunter ses mots. Le Docteur Yelkouni nous rassure à propos, que le meilleur moyen de protéger la jeunesse est de les préparer à une vie sexuelle responsable, ce qui n’est possible qu’en les familiarisant avec les mesures de planification familiale qui incluent la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. « Le sexe est toujours un tabou dans nos sociétés. Les jeunes, surtout les filles sont laissés à eux-mêmes. Ce qui a des conséquences terribles. C’est donc mieux que les agents de santé leur donnent les bonnes informations en matière de sexualité que de les laisser agir dans l’ignorance. De toutes façons, qu’on les sensibilise ou non, les jeunes entretiennent déjà des aventures sexuelles. Loin de les inciter à la perversité, les sensibilisations portant sur la planification familiale les exhortent à se maîtriser pensant à leur avenir. D’ailleurs, nous proposons aux élèves en premier lieu les méthodes naturelles comme l’abstinence sexuelle et l’usage du calendrier. Les méthodes modernes ne viennent qu’en cas de difficultés à pratiquer les méthodes naturelles », explique-t-il. Il y a aussi des personnes qui évoquent les effets secondaires pour justifier leur réticence vis-à-vis des méthodes contraceptives. Là également, le Docteur Yelkouni rassure qu’il existe des mesures de suivi qui permettent de pallier ces difficultés. Aussi, toutes les méthodes n’ont pas forcément des conséquences.
Dans les campagnes, il est fréquent d’assister à des conflits entre époux à propos des méthodes de planification des grossesses. En effet, des femmes se sentant vulnérables à cause des accouchements trop rapprochés ou trop nombreux, tentent sans succès d’obtenir l’autorisation de leurs époux afin qu’elles puissent pratiquer une méthode de contraception. « J’ai vu une femme dans le besoin, après douze grossesses et dont l’époux défendait formellement de passer à l’acte », nous apprend le Docteur Yelkouni. Alors, certaines femmes n’hésitent pas à se rendre au dispensaire à l’insu de leurs époux pour la contraception. Il arrive que l’époux découvre le manège et des fois, c’est l’annulation de la méthode utilisée qui est exigée. Quant à l’utilisation des préservatifs, nous avons parcourus quelques villages de la province et les habitants de plusieurs d’entre eux n’en trouvent aucun intérêt. « J’imagine comment des gens utilisent ça, surtout le courage ils ont pour se rendre à la boutique afin d’en acheter, quelque chose qui fait honte », s’étonne un jeune père. Même en ville, les jeunes éprouvent cette honte pour s’acheter des préservatifs. Si certains ont trouvé l’astuce qui consiste « faire la garde » devant la boutique pour intervenir quand il n’y a plus de client, d’autres utilisent des codes que les boutiquiers comprennent bien, ou encore, ce sont des pauvres enfants rencontrés dans la rue que l’on envoie chercher.
Il faut continuer de sensibiliser
Pour une pratique satisfaisante de la planification familiale dans la Kossi, il faut continuer la sensibilisation selon le Docteur Yelkouni. Des actions sont déjà menées par le district sanitaire de Nouna. Ce sont entre autres les causeries-débats avec les populations, l’implication des personnes ressources des différentes communautés et les séances de projections et d’échanges dans les établissements scolaires. A l’occasion de la semaine nationale de la planification familiale qui s’est déroulée du 4 au 10 novembre 2019, le district sanitaire de Nouna a même réunis les scolaires de Nouna le 4 novembre au lycée provincial en la présence des autorités provinciales et communales. En plus des communications, la troupe théâtrale « Yelen » de Nouna s’est produite pour faire passer le message dans une ambiance de rire. Une conférence publique a aussi été animée par les agents de santé. Les formations sanitaires alors ouvert leurs portes pour satisfaire gratuitement les demandes, comme prévu par le ministère de la Santé afin d’encourager les populations et pour que les défavorisés ne soient pas en reste. En plus de ces actions, le Médecin chef du district sanitaire de Nouna propose que l’éducation sexuelle occupe une place de choix dans les programmes scolaires pour l’atteinte de meilleurs résultats.
Issa Mada Dama
Timbanews.net