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Entretien avec François B. Traoré, l’homme qui a révolutionné la culture du coton au BF

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Connu à l’échelle nationale et internationale comme l’avocat défenseur des agriculteurs burkinabè notamment les producteurs de l’or blanc, le coton, François B. Traoré est un agriculteur burkinabé originaire de Konkuikoro, un village situé dans la commune de Doumabala à environs 35 km de Nouna chef-lieu de la province de la Kossi. Fils d’un Burkinabé qui avait migré au Sénégal pour cultiver les arachides, il est selon ses dires celui qui est devenu chef de famille à 15 ans juste après son école primaire du fait que son père soit devenu malvoyant. Ayant ramené la famille au pays dans les années 70 et depuis lors, l’homme ne vit que de l’agriculture. Ex-président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB),  François Traoré de son passage à Nouna, a bien voulu se prêter à nos questions. C’était dans les locaux de Timbanews.net à Nouna le  13 août 2020 dernier. Lisez !

  1. Timbanews.net (TN): Vous êtes considéré comme un grand producteur, quel est votre secret ?

François Traoré (FT) : Dire de moi un grand producteur c’est exagéré car ma première ambition c’était de pouvoir nourrir ma famille puisque la famille n’avait pas à manger car mon papa était devenu malvoyant. Ce qu’on m’attribue comme qualificatifs de nos jours ne sont pas mon objectif. J’ai partagé un écrit dans lequel je dis que le destin n’est aucunement lié à la chance mais à la vision que tu te donnes.

  • TN : Comment avez-vous pu ramener le Burkina Faso au 1er rang africain de producteur de coton quand vous étiez à la tête de l’UNPCB ?

FT : Quand j’ai commencé la culture du coton je me suis rendu compte que l’organisation entre les producteurs de coton ne permettait pas à certains  producteurs d’avoir leurs revenus. Alors qu’une coopérative ou groupement doit rendre service à ses membres. Ce qui a fait chuter la production du coton Burkinabé à 116 000 tonnes et on était au 11ème rang africain. Mes idées m’ont donc amené à la tête de l’Union nationale des producteurs du coton. Nous avions privilégié le dialogue et les échanges avec les producteurs de coton. Nous avions pris en compte leurs préoccupations et avec l’aide de l’Etat et des partenaires  d’accompagnement nous sommes passés du 11ème au 1er rang africain en 5 ans avec une production de plus de 700.00 tonnes. Les partenaires doivent savoir que quand ils veulent accompagner les gens ils doivent prendre en compte leurs vraies préoccupations. Les partenaires pouvaient donc nous guider mais sans rien exiger et finalement nous avons réussi à augmenter la production cotonnière.

  • TN : La filière coton connaît de nos jours des difficultés, comment expliquez-vous cela ?

FT : Vous savez pour tout homme, toute structure, pour toute nation il y’a des moments de gloire et des moments de difficultés. La filière depuis quelques années connait des moments de difficultés et cela est due au fait que l’objectif a pris un coup. J’ai été invité à l’assemblée de l’UNPCB (Union National des Producteurs de Coton du Burkina) et je leur ai dit qu’au départ, l’objectif était d’augmenter le revenu des producteurs de coton. Et si vous voyez que les revenus des producteurs de coton n’augmentent pas, alors il y’a problème. Et pour résoudre le problème il faut avoir le courage de poser le doigt sur le problème c’est-à-dire faire un vrai diagnostic, car si on façonne le diagnostic on ne fait qu’augmenter le problème.

  • TN : Pourquoi le Burkina Faso jusqu’à nos jours peine à atteindre l’autosuffisance alimentaire ?

FT : Il n’y a pas plus grand  travailleur que le cultivateur Burkinabé. Ils ont le courage mais pour moi leur accompagnement n’a pas toujours été objectif sinon le Burkina n’aurait aucun mal à atteindre l’autosuffisance alimentaire. Mais si l’accompagnement n’est pas adapté à nos réalités alors c’est compliqué. Vous savez le colon est venu trouver que les Africains mangeaient à leur faim. Si de nos jours nous n’arrivons pas à nous nourrir sans avoir à importer des vivres, c’est que le système mis en place pour accompagner les agriculteurs n’est pas adapté à leurs réalités.

  • TN : Nous sommes en pleine saison hivernale et l’accès à la terre par l’autre moitié du ciel demeure une problématique au pays des Hommes intègres !

FT : La femme d’abord est notre maman et dans notre société elle est la personne qui ne se repose jamais. Dans notre tradition c’est la femme qui fait les travaux ménagers et en plus de cela, elle sème et aide son mari à cultiver. La femme est indispensable dans notre société car elle est liée à son mari et fait partie de sa famille. Le problème de non accès à la terre est due au fait que dans notre culture, la femme n’hérite pas de terre dans sa famille d’origine. Mais si elle est mariée et a des enfants, elle peut grâce à ces enfants hériter de terre dans la famille dans laquelle elle est mariée puisque les enfants sont héritiers de terre. Mais je veux que des réflexions soient faites dans ce sens pour que toute femme qui veut en dehors de sa famille exercer l’agriculture puisse avoir de la terre pour y cultiver.

  •   TN : Quelles sont donc les difficultés de l’agriculture burkinabè selon vous ?

FT : Selon moi les difficultés de l’agriculture burkinabè se situent au niveau de l’évolution et de l’accompagnement technique de nos agriculteurs. Je ne peux pas comprendre qu’à Matroukou, là où on forme les ingénieurs agricoles, un élève y fait son parcours sans pratiquer l’agriculture. Pourtant il y’a plus de 1400 hectares de terrains cultivables, environ 5 tracteurs et des matériels. Ça, je ne peux pas le comprendre. Et comment ceux qui n’ont jamais pratiqué peuvent encadrer ? Seule l’adaptation pratique de nos ingénieurs et un accompagnement qui prend en compte nos difficultés peuvent nous sauver car la technologie est mondiale. Même les africains y ont contribué donc elle appartient à tout le monde. Donc si on adapte la technologie à nos réalités nous allons décoller. Dans le cas contraire on n’aura aucun résultat.

  • TN : Quelles solutions concrètes proposez-vous donc ?

FT : J’ai proposé des solutions tels que adapter, être pratique surtout pour nos ingénieurs. Les écoles de formation des agents et des ingénieurs agricoles doivent être plus basées sur la pratique. Je ne peux pas comprendre que dans une école de formation des ingénieurs agricoles avec plus de 1400 hectares à leur disposition, on continue d’importer pour les nourrir. Cette école devait être une référence pour les acteurs de l’agriculture.

  • TN : Vous êtes l’un des premiers producteurs à être pour les OGM. Connaissant bien les conséquences que peuvent engendrer ces cultures sur l’homme et l’environnement, comment justifiez-vous votre position ?

FT : Je vous ai déjà dit que la technologie est mondiale. Les OGM sont une technologie et comme les téléphones ils peuvent faire du bien comme ils peuvent faire du mal. Toute mauvaise utilisation de la technologie est nuisible voire mortelle. Si l’homme est moralement équilibré, il peut l’utiliser pour en faire du bien. Je dirai donc que les OGM sont un mal nécessaire. Les européens crient chaque jours contre les OGM mais sachez qu’ils nourrissent leurs animaux avec le soja OGM américain et canadien. Ils consomment la viande de ces animaux et ils boivent leur lait. De nos jours même si tu es contre la technologie mais tu ne peux pas ne pas l’utiliser. Au lieu de combattre les OGM nous devons travailler à homologuer ces produits pour les rendre plus adaptables à nos sols et inoffensifs pour le système de l’organisme humain.

  • TN : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre vie ?

FT : Ce qui m’a le plus marqué dans la vie c’est l’évènement de la révolution où un groupe de personnes avaient cru qu’on peut décider de nous-même. Et ils s’étaient donné pour mission de conscientiser la population. Quand on a une idée on ne peut pas obliger la population à l’approuver et à vous suivre mais on peut les faire prendre conscience de leur situation actuelle et les amener à décider comme le voulais faire Thomas Sankara. J’ai été vraiment marqué par le courage de ces révolutionnaires, leur liberté de penser et de s’exprimer. Malheureusement, ils n’ont pas été compris par leur population. De nos jours cette même population qui a été flattée durant tout ce temps cherche cette même liberté de penser et de s’exprimer, mais en vain. Toutes les nations qui ont accepté payer le prix de la révolution à l’époque sont passées de nos jours.

  1. TN : Votre appel à l’endroit de la jeunesse ?

FT : La jeunesse doit savoir qu’à partir de 15 ans, le mental doit se donner le devoir d’orienter le physique. Elle doit en prendre conscience. J’interpelle la jeunesse à avoir le courage d’entreprendre et d’être sincère et honnête dans leur comportement. Car une nation est comme un véhicule même si le moteur est considéré comme le cœur du véhicule si on enlève les pneus elle ne bougera pas. La jeunesse doit être soudée et sincère. Elle doit également se donner une orientation. Nous aussi nous devons accompagner cette jeunesse car nos échecs et nos succès peuvent les servir.       

Issa Lazare Kolga

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Une réponse

  1. Bonjour, je suis sociologue et journaliste. Je voudrais contacter François traoré pour une émission de radio sur le burkina faso et le coton.

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